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Réflexions sur le phrasé

Réflexions sur le phrasé (1er partie)

Réflexions sur le phrasé (1er partie)

         Dans la plupart de performances musicales d’aujourd’hui nous entendons « le jeu de longue ligne » : l’aspect horizontal domine clairement, même presque annihile l’aspect vertical. Chaque note est tout à fait semblable à ses voisines à droite et à gauche, les changements sont faits très progressivement. Dans le passé, la musique, aussi bien que la société, n’était pas si démocratique : Toutes les notes n’étaient pas égales, de même, tous les demi-tons n’étaient pas égaux, et de même, les valeurs les plus brèves pouvaient être inégalisées. Mais nous verrons que le principe hiérarchique s’étend encore davantage.

         Quand nous comparons la musique et le langage, nous pouvons assimiler la phrase grammaticale à la phrase musicale : c’est la manifestation d’une entité expressive plus ou moins complexe. Le phrasé musical peut alors être compriscomme l’interprétation intelligible de cette entité expressive, comme se rapportant aux contenus émotionnels et structurels de l’expression.

         Dans « le jeu de longue ligne », la déclamation de mots individuels est sacrifiée au flux continu du son, à la ligne horizontale. Les enregistrements de Herbert von Karajan pourraient avoir été le paroxysme de ce style (ce même orchestre sous la direction de Simon Rattle s’est éloigné de cette hyper-horizontalité). Dans le meilleur des cas l’affect général de la phrase est exprimé ; dans le pire des cas, il y a seulement une « beauté extérieure » du son. Fondamentalement c’est l’application conséquente de règles qui étaient déjà prescrites par Hugo Riemann dans son Musikalische Dynamik und Agogik, Lehrbuch des Phrasierens (1884) et le Systeme der musikalischen Rhythmik und Metrik (1903). On pourrait résumer le système comme :

– La musique avance par ses levées.

– On attend le point culminant en poussant avec crescendo et accelerando, et après le climax on utilise diminuendo et ritardando.

– Quand la mélodie monte, on fait crescendo et accelerando; quand elle descend, on fait diminuendo et ritardando.

Pendant la deuxième moitié du XXème siècle, l’élément accelerando-ritardando est progressivement passé de mode, sans doute connoté comme étant trop romantique.

         Assez étonnamment, on entend beaucoup de spécialistes de musique ancienne, aussi, qui suivent ces mêmes principes, bien qu’on puisse facilement démontrer qu’historiquement ces principes étaient l’exception plutôt que la règle. Évidemment c’est ce phrasé romantique tardif avec lequel nous avons tous grandi, qui est facilement reconnaissable et compris par une large audience de non-spécialistes. Ce « jeu de longue ligne » s’est ainsi attiré les bonnes grâces de beaucoup d’artistes, même pour des musiques qui ont été composées selon un ensemble des conventions différentes, ce qui est tout à fait compréhensible. Ce succès facile est faussement bon marché, selon mon opinion. Les compositions plus anciennes ainsi traitées perdront une grande partie de leur « sens ». Monteverdi et Verdi, Rossi et Rossini semblent alors bien trop semblables.

         Comme l’ont toujours fait les théoriciens, Rieman n’a pas analysé mais systématisé ce qui se développait et qui était devenue pratique courante. Quelles règles trouvons-nous avant Riemann ? Les traités de chant nous donnent souvent des informations de grandes valeurs, puisque on a considéré que les chanteurs étaient les artistes idéaux, qui pouvaient, en outre, compter sur le texte littéraire afin de déterminer et raffiner leur phrasé musical. Les traités instrumentaux citent toujours les bons chanteurs comme exemples.

Quelques principes généraux :

– Une « bonne note » (cette idée sera expliquée davantage dans la section sur la dynamique) peut venir en retard, les syllabes ou les notes soulignées ou accentuées seront précédées par un silence plutôt que poussées vers elles.

– On juge que la prosodie est très importante pour les compositeurs et les interprètes, comme on le trouve dans le Vollkommener Kapellmeister (1739) de Mattheson. Elle reste toujours présente dans les annotations de Beethoven sur les études pour piano de Cramer.

– L’utilisation de dynamiques différenciées dans la mesure, comme évidence dans la bonne prosodie, est aussi décrite et prescrite dans les traités instrumentaux comme ceux de Quantz, C. P. E. Bach et L. Mozart. Il est exclu de seulement organiser les notes vers le point culminant suivant ou vers la dernière note de la phrase. À mon sens, cette idée est fortement reliée à la technique du« bel canto »d’avant environ 1840, qui a été dûment imitée sur tous les instruments. Une grande importance a été attachée aux « sons filés » (crescendo – diminuendo sur une seule note longue); davantage une monté de diapason il n’incluait pas automatiquement  du crescendo, mais plutôt du diminuendo. La transition de cet idéal vocal dans le chant « moderne », où l’égalité et l’homogénéité sont soulignés et où les notes aiguës sont généralement chantées plus fort et lourdement, même au détriment de l’accent de texte, est clairement illustrée autour du milieu du XIXème siècle par le célèbre professeur de chant et de piano Friedrich Wieck, le beau-père de Schumann. Dans son ironique mais extrêmement intéressant Clavier und Gesang, Didaktisches und Polemisches (1853), il prend fortement position contre la nouvelle mode. Wieck voit la même tendance dans le jeu du piano que dans le chant, en sacrifiant l’élégance pour la force.

Rafael Palacios

August 22, 2020

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Rafael PalaciosAbout Rafael Palacios

Rafael Palacios is an international musician, oboist, conductor and professor with a first-class reputation in the rhetorical performance practice. He works regularly in Europe, Asia and Latin America helping professional musicians develop their performing skills, and to deliver their messages to selected audiences.

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